NON AUX EXPROPRIATIONS - OUI À LA SAUVEGARDE DE NOTRE ENVIRONNEMENT ET DE NOS FORÊTS
Pour information .....
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Face à l'extension de l'usine à bois SAS Farges d'Égletons (Corrèze)
NON AUX EXPROPRIATIONS - OUI À LA SAUVEGARDE DE NOTRE ENVIRONNEMENT ET DE NOS FORÊTS
Informations sur la lutte, prises de paroles, boissons chaudes et déambulation
Un empire industriel, Piveteau bois, fait main basse sur un territoire et dépossède ses habitants pour imposer ses intérêts, avec la complicité des notables locaux.
Ici comme ailleurs, la catastrophe écologique et sociale fait rage. Inflation, incendies, dépérissement des milieux naturels, augmentation des inégalités,... Nous en constatons sans cesse les effets. Les conditions d'une vie digne se durcissent pour le plus grand nombre de gens. En parallèle, l’État ne sert pas l'intérêt général. Il défend un modèle qui nous mène à l'impasse, et facilite les affaires de celles et ceux qui ont déjà tout.
A Égletons, en Corrèze, la scierie industrielle SAS Farges, appartenant au groupe Piveteau Bois, a construit son modèle économique sur l'exploitation intensive de plantations d'arbres calibrés pour répondre aux besoins de l'industrie, du transport mondialisé, du bois énergie,... Les habitantes et habitants des territoires impactés par l'industrie forestière perdent toute prise sur leur cadre de vie. C'est le marché mondial du bois ou de l'énergie qui décide du devenir du foncier.
SAS Farges ambitionne de doubler son emprise et ses capacités productives pour devenir la première scierie industrielle de France. Afin de pouvoir s'étendre, l'industriel doit chasser les personnes qui occupent l'espace qu'il convoite. Une personne réside sur ces terres, des agriculteurs et agricultrices y travaillent et en vivent.
L’État n'a que faire de l'intérêt général, de l'agriculture paysanne, d'une zone humide ou d'une campagne où il fait bon vivre. Par l'intermédiaire de la préfecture et des collectivités locales, les intérêts de l'industriel progressent. En effet, les terres agricoles avoisinantes ont été requalifiées en terres industrielles, et le projet a obtenu une « Déclaration d'Utilité Publique ». Ainsi, l’État s'apprête à exproprier des habitants pour que l'usine s'étale.
Le jeudi 1er décembre, c'est la première étape d'une procédure juridique d'expropriation d'une octogénaire de son logement, et de deux exploitants agricoles des terres qu'ils entretiennent qui est programmée.
Dans les Deux-Sèvres, un mouvement populaire s'oppose à l'accaparement de l'eau au profit d'un modèle agricole industriel et productiviste. Ce sont les habitants, c'est le peuple, qui défend l'intérêt général et le bien commun.
En Corrèze aussi, c'est collectivement que nous défendons nos forêts et les terres nourricières. C'est notre bien commun !
Association Faîte et Racines – 4, place de l'Eglise, 19400 Argentat – faiteetracines@riseup.net
L’extension d’une méga-scierie fait craquer la Corrèze ... https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/0...
ÉCOSYSTÈMES ET POLLUTION REPORTAGE
L’extension d’une méga-scierie fait craquer la Corrèze
En moins de 20 ans, Farges Bois a créé un vaste complexe industriel pour devenir le premier scieur de France. Ses riverains, menacés d’expropriation par un ultime projet d’agrandissement, dénoncent la complicité des pouvoirs publics tandis que les écologistes pointent une menace pour la forêt limousine.
Nicolas Cheviron
6 novembre 2022 à 11h38
Égletons, Moustier-Ventadour (Corrèze).– Depuis le pas de son jardin, Jacqueline Monjanel, 84 ans,
contemple, maussade, le complexe industriel qui lui fait face, à huit mètres de son portail. Dans cette partie de l’usine, les grues jettent les billons dans les cuves de l’écorceuse de l’aube au crépuscule, puis les empilent à grand bruit. En 1974, quand l’octogénaire et son mari ont emménagé dans leur maison nouvellement construite, il n’y avait rien, « pas de route, pas de maison, pas d’usine, seulement la nature et les animaux, le calme et des fermiers », se souvient-elle avec nostalgie.
En un demi-siècle, l’ancienne aide-soignante a assisté à l’implantation de la petite scierie familiale Farges, arrivée en 1977 dans cette périphérie de l’agglomération d’Égletons, 11 200 habitant·es dans l’est de la Corrèze, puis à son expansion inexorable, surtout après son rachat en 2004 par le vendéen Piveteau Bois, actuel numéro un français de la production de granulés de bois.
À la scierie originelle se sont ajoutés, au fil des ans, raboteuse, usine à granulés, presses, broyeurs, chaudières de production d’énergie biomasse et maints autres équipements de traitement, conditionnement et stockage du bois de résineux sous toutes ses formes. sur 6 06/11/2022, 18:54
L’extension d’une méga-scierie fait craquer la Corrèze ... https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/0... Jacqueline Monjanel devant les grumes écorcées de la méga-scierie Farges Bois, en octobre 2022. © Photo Nicolas Cheviron pour Mediapart
Car Piveteau Bois est venu avec une ambition : devenir le premier scieur de France. Dans ce but, l’industriel a prévu d’investir 106 millions d’euros dans sa filiale corrézienne entre 2020 et 2026. À cette date, sa production à 3
Égletons devrait passer de 150 000 à 250 000 m /an pour le sciage (+ 66 %), soit plus de la moitié du bois de sciage coupé annuellement dans la forêt limousine (Corrèze, Creuse, Haute-Vienne). Elle devrait progresser de 3
70 000 à 180 000 m /an pour le bois de deuxième transformation (+ 157 %), de 130 000 à 180 000 tonnes/an pour les granulés (+ 38 %), plus une nouvelle production de 50 000 m3/an de lamellé-collé.
Le nombre de camions empruntant chaque jour la route du site devrait quant à lui doubler, pour s’élever à 165 en 2026, selon les chiffres donnés par l’entreprise à l’administration.
Mais pour atteindre son plein potentiel, la méga-scierie doit encore se doter d’une capacité de stockage suffisante des grumes directement arrivées de la forêt. Et cette fois, ce sont les terres de l’octogénaire ainsi que celles d’une poignée d’exploitations agricoles voisines que lorgne l’industriel. En dépit de l’opposition des intéressé·es, Farges Bois a bon espoir d’arriver à ses fins grâce au soutien de la communauté de commune de Ventadour-Égletons-Monédières (CVEM), qui a lancé à l’été 2021 une procédure d’expropriation contre la promesse de la création d’une cinquantaine d’emplois – elle dit fournir 200 emplois aujourd’hui.
Recours au tribunal administratif
La préfecture de Corrèze a déclaré en début d’année l’utilité publique de cette procédure portant sur seize hectares de terres, dont onze doivent revenir à Farges Bois, 1,5 servir au creusement de bassins de rétention d’eau et les 3,5 restants être mis « à disposition d’éventuels opérateurs économiques intéressés », selon les er
déclarations publiques de la CVEM. Le juge de l’expropriation doit se rendre sur les lieux le 1 décembre pour évaluer les biens à indemniser. Un recours a été déposé au tribunal administratif contre la déclaration d’utilité publique (DUP).
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Réunies au sein de l’association Asso Citra, les personnes opposées au projet dénoncent une nouvelle tentative de passage en force du géant du bois, couronnant une décennie d’extensions sauvages ayant bénéficié de la mansuétude des pouvoirs publics. En 2017, rappellent-elles, une inspection de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) a constaté que l’emprise industrielle de Farges Bois s’étendait sur 19,9 hectares, alors que l’autorisation d’exploitation obtenue par l’entreprise sept ans plus tôt ne portait que sur 7,1 hectares.
L’entreprise a multiplié les nouveaux équipements, dont certains susceptibles de provoquer des pollutions. Et cela sans jamais juger nécessaire d’« en informer aucune instance », indiquent en 2020, dans leur rapport, les enquêteurs chargés d’examiner une demande de régularisation a posteriori.
Farges Bois, du côté de l'écorceuse et du domicile de Jacqueline Monjanel. © Photo Nicolas Cheviron pour Mediapart
Le site de Farges bois est une installation classée protection de l’environnement (ICPE), ce qui implique une surveillance particulière par la Dreal, et est très proche d’un classement Seveso – désignant les entreprises les plus à risque. « La majorité des produits de traitement du bois sont dangereux pour l’environnement, le milieu aquatique notamment », relève le rapport du commissaire-enquêteur chargé de déterminer l’utilité publique de l’expropriation.
Des terres « à vocation agricole »
« Notre entreprise a en effet pu par le passé considérer les notions d’autorisation environnementale de la mauvaise manière en tendant à minimiser leur intérêt », concède alors le scieur, cité par le rapport sur la demande de régularisation de ces nouvelles activités. Celle-ci a finalement été accordée par la préfecture. L’affaire a valu à l’institution une condamnation, le 16 juillet 2020, par le tribunal administratif de Limoges, pour carence dans l’exercice de son pouvoir de police environnementale.
L’obligeance des collectivités territoriales à l’égard de Farges Bois s’est également exprimée lors de l’adoption par 3 sur 6 06/11/2022, 18:54
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la CVEM, en janvier 2020, d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) requalifiant en « zone à urbaniser à vocation d’activité industrielle » des terres visées par l’expropriation, jusque-là répertoriées comme zones naturelles à vocation agricole, sept mois avant le lancement de l’enquête d’utilité publique – une décision contestée devant le même tribunal, qui n’a pas encore rendu sa décision.
Moteur de la contestation, Brigitte Mangeon fulmine contre cette enquête menée au pas de charge – la population avait 15 jours pour s’exprimer, du 22 novembre au 7 décembre 2021, en pleine période de Covid et sans possibilité d’utiliser Internet – et sans attendre le verdict de la justice administrative. Elle dénonce surtout « l’utilisation falsifiée de la notion d’utilité publique », condition sine qua non de l’expropriation, dans une procédure, selon elle, « au bénéfice exclusif de Farges Bois ».
Dans son rapport, le commissaire-enquêteur justifie son avis favorable à la DUP par l’impact « très positif » du projet industriel de Farges Bois, « qui renforcerait l’attractivité, l’emploi et l’économie locale ». Il souligne par ailleurs que « toute cette surface [expropriée] ne sera pas dédiée uniquement à la société Farges », puisque la CVEM « se constitue aussi une réserve foncière ».
« On brade notre agriculture pour l’intérêt d’industriels. »
Amélie Rebière (Coordination rurale)
« C’est toujours le même problème d’une entreprise au poids énorme qui peut exercer un chantage permanent à l’emploi », commente Philippe Revel, président de la Confédération paysanne pour la Corrèze, qui déplore « une absence de concertation avec les exploitants alors qu’on est sur un processus d’artificialisation de 16 hectares de terres agricoles ».
« On brade notre agriculture pour l’intérêt d’industriels, approuve Amélie Rebière, présidente des sections corréziennes de la Coordination rurale et du Mouvement pour la ruralité. Mais entre la taxe professionnelle acquittée par Farges Bois et ce que rapportent deux éleveurs à la CVEM, j’imagine qu’il n’y a pas photo. » En effet. Selon le rapport de 2020 sur la régularisation des activités du scieur, « l’apport fiscal attribué [par ce dernier – ndlr] aux collectivités atteignait 517 000 euros en 2019 » et « devrait doubler à l’échéance des dix ans. »
Marie-Thérèse Touquet élève une quarantaine de vaches laitières et des veau de
lait Label Rouge. La perte d'une partie de ses terrains pourrait compliquer la
reprise de sa ferme par son �ls Nicolas. © Photo Nicolas Cheviron pour Mediapart
Éleveuse de 40 vaches allaitantes et de veaux de lait Label rouge, Marie-Thérèse Touquet voit, en cas
d’expropriation, se réduire les chances pour son fils Nicolas de reprendre la ferme familiale. « Pour qu’il reste là, il lui faut davantage de terres, pas qu’on lui en enlève », indique l’éleveuse, dont l’exploitation pourrait être
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amputée d’un hectare et demi. « Quel avenir prévoyez-vous pour moi ? Chômeur à la charge de la société ? Ne comptez pas sur moi pour aller travailler dans ces industries qui polluent mon environnement », prévient le jeune homme, actuellement en apprentissage dans le cadre d’un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole, dans une lettre au commissaire-enquêteur.
Fabien Sznadjer, éleveur de 140 chèvres et producteur de fromages, voit quant à lui se dessiner un avenir bien sombre pour son exploitation si on lui retire les six hectares visés par l’expropriation, dont il est locataire. « Le manque à gagner en fourrage, ça représente au moins 6 000 euros par an. Si on compte aussi les primes de la PAC
[politique agricole commune], on approche les 10 000 euros de pertes », évalue le paysan, qui craint de devoir réduire son cheptel et de devoir supprimer un des 2,5 équivalents d’emplois à temps plein générés par sa ferme.
L’hypothèse du chemin de fer
D’autres voix, favorables en théorie à l’extension des activités de Farges Bois, s’élèvent pour dénoncer le choix des terrains visés par la procédure d’expropriation, alors que l’entreprise est propriétaire de plusieurs hectares de terres encore sans affectation. « Il s’agit d’une alternative que j’ai poussée en conseil communautaire », explique Christophe Petit, maire de Moustier-Ventadour, 445 habitant·es, où se trouvent les terrains à exproprier. « J’ai saisi à ce propos la nouvelle sous-préfète et le nouveau préfet en suggérant de réunir tous les acteurs politiques et privés concernés pour une réflexion, discussion et révision de l’aménagement et desserte de cette zone. »
Fabien Sznadjer, menacé d'expropriation, avec ses chèvres. © Photo Nicolas
Cheviron pour Mediapart
Avec les autres élus de l’opposition au sein du conseil communautaire, Olivier Villa a pour sa part proposé l’affectation de la gare de Bugeat au stockage des grumes de Farges Bois. Située à 35 kilomètres du complexe industriel, mais au cœur de la forêt limousine, la gare a été inaugurée en octobre 2001 pour permettre l’exploitation rapide du bois décimé par la tempête de 1999. Elle a cependant été délaissée par les exploitants forestiers et reste inutilisée.
« Les grumes de Farges Bois pourraient être acheminées de Bugeat par le rail jusqu’à la gare d’Égletons, à 800 mètres de l’usine. Cette ligne pourrait devenir la ligne du bois, et desservir également une scierie à Meymac, fait valoir l’élu. Nous serions soutenus par la région Nouvelle-Aquitaine dans la cadre de sa feuille de route Neoterra sur la décarbonation des transports. »
Le commissaire-enquêteur chargé d’évaluer l’utilité publique de l’expropriation, William Armenaud, a écarté cette suggestion, selon lui « hors sujet » car la CVEM « a pour compétence de prendre en charge et d’assurer le développement économique des communes adhérentes », dont Bugeat ne fait pas partie. L’absence d’alternative
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est une condition indispensable pour procéder à une expropriation. Sollicités par Mediapart, la CVEM et Farges Bois ont refusé de s’exprimer.
Dans la montagne limousine, les défenseurs de la forêt commencent en revanche à manifester leur inquiétude face au gigantisme des projets de l’industriel. « Farges prévoit de prendre a minima la moitié du bois de sciage produit dans le Limousin, c’est considérable, souligne Élie Kongs, membre du Syndicat de la forêt limousine et coordinateur de l’Appel pour des forêts vivantes. Le bois qu’ils prennent est calibré, issu des coupes rases. Cela va à l’opposé de ce qui nous semble une voie souhaitable d’équilibre entre la production et le respect de la biodiversité. »
Le sentiment est partagé par Vincent Magnet, ancien administrateur du Réseau pour les alternatives forestières (RAF), qui confirme : « C’est une grosse augmentation, d’autant qu’avec le contexte énergétique, de nombreux acteurs pensent à accroître leur activité alors que certains d’entre eux, en Corrèze, éprouvent déjà des difficultés d’approvisionnement. Je ne vois pas comment ils vont atteindre leurs objectifs, sauf à tout raser et à exercer de grosses pressions sur les exploitations forestières. »
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Une mobilisation importante est attendue le 1 décembre devant le domicile de Jacqueline Monjanel, à l’occasion de la visite du juge de l’expropriation.
Nicolas Cheviron
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